Directeur Marketing – Communication de Singapore Airlines France

 

M&T : comment Singapore Airlines a-t-elle traversé la crise qui frappe depuis 15 mois le secteur aérien ?

La crise du Covid 19 a très fortement impacté l’activité de SIA. Depuis le printemps 2020, le revenu du groupe SIA (Singapore Airlines, SilkAir, Scoot) est en recul de près de 80 % et le trafic passager a baissé de plus de 90 %. Dès le début de la crise, une course contre la montre a été lancée sur plusieurs fronts pour rapatrier les passagers bloqués au fur et à mesure que les frontières se refermaient, proposer des solutions de voyages alternatives à ceux dont les vols étaient annulés et rembourser ceux qui le souhaitaient. Dans le même temps, il a fallu revoir l’ensemble de nos procédures au sol et à bord afin d’assurer la sécurité sanitaire de nos passagers et de nos équipages et mettre en place d’importantes mesures d’économies compte tenu de l’effondrement de nos recettes. Sur les 9 premiers de l’exercice 2020/21 commencé en avril 2020, le montant des pertes du groupe SIA s’est élevé à 3.5 milliards de dollars.

M&T : avez-vous bénéficié d’aides publiques comme cela a été le cas pour les compagnies européennes et américaines ? Si oui, à quelle hauteur ?

Oui, face à cette crise d’une ampleur inédite et d’une soudaineté inouïe, le groupe SIA a bénéficié du soutien massif de son principal actionnaire, Temasek, l’un des deux grands fonds souverains singapouriens. Dès le printemps 2020, nous avons procédé à une augmentation de capital de 13 milliards de dollars et depuis le début de l’exercice, les liquidités du groupe ont augmenté de 12.7 milliards de dollars.

M&T : la sortie de crise engagée en Asie se traduit-elle par une reprise d’activité dans la zone ?

Il est vrai que l’Asie a plutôt très bien géré la crise du Covid 19. Dans beaucoup de pays, la pandémie a été contenue et le nombre de malades et de victimes est resté limité. A ce jour, un tourisme intra asiatique a par exemple déjà repris à Singapour avec des pays comme la Malaisie, la Chine, le Japon, la Corée, l’Australie. Le challenge est maintenant pour ces pays de gérer la réouverture aux pays émetteurs, notamment européens, sans mettre en danger leur population et tout en proposant une expérience touristique la moins contraignante possible sur le plan sanitaire.

M&T : quid du marché européen, notamment du marché français ou vous avez relancé en début d’année votre vol quotidien entre Paris et Singapour ? Ce retour a-t-il été judicieux ?

Singapore Airlines a effectivement relancé un vol quotidien direct Paris Singapour A/R en Airbus A350-900 depuis le 19 janvier dernier. Plusieurs raisons à ce choix : d’abord, malgré la crise du Covid 19, un trafic minimum continue d’exister sur l’axe Paris – Singapour et au-delà, vers des destinations comme le Cambodge, le Vietnam, les Philippines et certaines capitales d’Asie où les entreprises françaises sont très actives. La demande émane principalement d’une clientèle affinitaire, de bi-nationaux, d’expatriés, d’étudiants, de marins de la marine marchande et de cadres et techniciens de grandes entreprises françaises. Ensuite, la demande est très forte sur le marché du fret aérien. Notre vol Paris – Singapour fait le plein de cargo et justifie à lui seul de maintenir une rotation quotidienne.

M&T : à quelle échéance le secteur du transport aérien peut-il retrouver des couleurs ?

En matière de prévisions, à ce stade et compte tenu des nombreuses incertitudes qui demeurent sur l’ouverture des frontières et l’impact de la vaccination de masse, SIA est en ligne avec celles données par IATA, à savoir un retour au niveau de trafic de 2019 pour le marché loisir en 2024 et 2025 pour le trafic affaires. Pour 2021, dans le scénario le plus optimiste à ce jour, IATA prévoit un trafic global équivalent à seulement 38 % de celui enregistré en 2019. SIA espère opérer ce printemps 2021, 25 à 30 % de sa capacité totale. Mais il est clair qu’il faudra plusieurs années au secteur du transport aérien et du tourisme pour se remettre de l’impact majeur du Covid 19…

M&T : sur le segment affaires, la multiplication des réunions à distance au cours de la dernière année ne risque-elle pas de pénaliser les déplacements long-courriers ? A un moment de plus ou l’aérien est montré du doigt pour ses émissions de CO².

Les nouveaux outils informatiques ont montré toute leur utilité en ces périodes de confinement et de voyages très contraints. Il y aura probablement à l’avenir une rationalisation des voyages d’affaires, mais nous ne sommes pas trop inquiets pour l’avenir des voyages long-courriers. La plupart de nos clients corporate sont des cadres et techniciens de grands groupes français. Beaucoup de projets industriels et commerciaux en Asie-Pacifique nécessitent de se déplacer pour rencontrer des partenaires et travailler sur place. Les visioconférences ne peuvent pas tout faire… Le transport aérien est très attaqué. Souvent injustement. L’Airbus A350-900 que nous exploitons sur la ligne Paris – Singapour consomme 25% de moins que les avions d’ancienne génération et son empreinte sonore a été réduite de 40 %. Aujourd’hui, pour se rendre en Asie-Pacifique, il n’y a pas d’alternative compétitive à l’avion.

M&T : au sortir de cette crise, allez-vous modifier la structure de votre flotte ? Certains gros porteurs – l’A380 par exemple – vont-ils en faire les frais ?

Ce processus de rationalisation de la flotte a été entrepris dès les premiers mois de la crise. Le groupe SIA a ainsi déjà décidé de retirer de sa flotte 26 avions parmi les plus anciens dont nous savons qu’ils ne revoleront pas en sortie de crise. Depuis le printemps dernier, nous exploitons uniquement des A350 et des B787, les avions le plus modernes et les plus performants de notre flotte. Des appareils de moyenne capacité proposant un très bon mix passagers – cargo et donc parfaitement adaptés aux conditions actuelles du marché.

Le cas de l’Airbus A380 est différent. Pour le moment, nous les maintenons au sol car la demande actuelle ne permet pas de remplir cet avion de grosse capacité. Mais nous comptons les remettre en ligne au fur et à mesure de la reprise du trafic. Contrairement à d’autres compagnies, Singapore Airlines n’a pas tourné la page de l’A380. Nous aurons besoin de ses capacités à l’avenir. SIA conservera 12 A380 tous équipés des dernières cabines quadri-classes lancées fin 2017 et qui proposent un niveau de confort et d’espace inégalés.

M&T : les constructeurs – Airbus et Boeing – planchent sur l’avion à hydrogène. Les compagnies aériennes trouveront-elles leur salut dans cette nouvelle motorisation ?

Avant la crise du Covid 19, le secteur du transport aérien s’est engagé à réduire ses émissions de 50 % à l’horizon 2050. Pour atteindre cet objectif très ambitieux, il faut une technologie de rupture comme l’hydrogène. Mais elle pose des défis considérables. Il faut revoir totalement l’aérodynamisme de ces futurs avions, être capable de stocker l’hydrogène nécessaire à la propulsion en toute sécurité, de le produire à des coûts raisonnables et de proposer une capacité suffisante dans les futurs avions pour répondre aux besoins de transport dans 30 ans. Ces avancées concerneront sans doute les liaisons de courte distance dans un premier temps. Pour les vols long-courriers, l’avenir passe probablement par une combinaison de facteurs. Des avions toujours plus performants, un recours plus important aux biocarburants, une optimisation de la navigation et des routes aériennes. C’est sur ces pistes que travaille activement Singapore Airlines.

M&T : la vaccination est la clé d’un retour à la vie d’avant ou à la vie normale. Sera-t-elle suffisante pour donner envie aux gens de voyager ? Notamment vers l’Asie ?

Les effets de la vaccination de masse sont en effet très attendus par les compagnies aériennes et l’ensemble des acteurs du tourisme. Nous espérons qu’elle permettra une réouverture progressive des principales destinations touristiques d’Asie-Pacifique et la levée des restrictions sanitaires imposées aux touristes. C’est effectivement un point essentiel pour rassurer les voyageurs. Chez Singapore Airlines, plus de 90 % du personnel navigant est déjà vacciné. Mais ce qui est également très important, c’est qu’il y ait une harmonisation des règles sanitaires applicables par l’ensemble des compagnies, pilotée par les différents Etats. SIA est en pointe dans ce domaine puisque nous sommes la compagnie de lancement du travel pass d’IATA, un passeport digital qui permet de centraliser tous les documents sanitaires (attestation de vaccination, résultats des tests PCR) sur son smartphone. Cela contribue à faire gagner un temps précieux à l’embarquement et permet de rassurer passagers et personnels. A notre niveau, que ce soit par des contacts directs ou via les réseaux sociaux, nous ressentons une grande impatience de nos clients à pouvoir revoyager pour leur loisir. Nous constatons aussi une forte hausse des niveaux de réservations sur certaines destinations balnéaires d’Asie pour cet été. Il faudra encore beaucoup de temps pour considérer que la crise est derrière nous mais nous sommes plutôt optimistes pour l’avenir…

Pour plus d’informations : www.singaporeair.com