Président des Traiteurs de France

M&T : voilà un an que la filière des traiteurs organisateurs de réceptions est à l’arrêt. Dans quelle situation se trouvent les 37 entreprises partenaires de votre association ?

En effet, on fête malheureusement une « date anniversaire ». Un an de combat et de résilience qui permet à nos 37 adhérents, non pas de voir le bout du tunnel, car cette lumière tant convoitée n’est distillée que par les annonces gouvernementales, mais d’espérer ! Nos adhérents sont des combattants et se réinventent au jour le jour. On est tous passés par des hauts et des bas, de la colère à la rage, et cette rage leur permet de réfléchir et déjà travailler sur les réceptions de demain.

M&T : à combien évaluez-vous les pertes cumulées durant cette année ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le réseau Les Traiteurs de France enregistre, au 31 janvier 2021, une perte de chiffre d’affaires de plus de 165 millions d’euros depuis la mi-Février 2020 (date des premières mesures interdisant les rassemblements), sachant que plus de 87% du chiffre d’affaires est normalement apporté par la cible B to B au travers des salons, congrès, évènements d’entreprises et séminaires qui ont été annulés massivement depuis un an. Le chiffre d’affaires réalisé par l’organisation de réceptions privées, essentiellement les mariages, qui représente habituellement 13% du chiffre d’affaires annuel global, a lui aussi été fortement impacté en raison des nombreux reports enregistrés sur 2021 et sur 2022. Mais à ces pertes, il faut ajouter le préjudice psychologique. Il touche nos adhérents, leurs équipes, les extras et au-delà tous nos clients. Pour l’économie et pour le moral aussi on a besoin de travailler.

M&T : toutes les entreprises sont-elles impactées de la même manière, quelle que soit leur implantation géographique ?

Franchement oui, l’implantation géographique n’a rien à voir. Tous sont impactés, toutes les équipes, et la seule différence entre certaines entreprises concerne celles qui ont des boutiques ou des restaurants, ou encore celles qui avaient déjà « avant crise » mis en place le E-commerce dans leurs structures. Mais cela reste très marginal et ne représente que 15 à 30% de leur CA annuel. Notre ADN, le cœur de notre métier, est bien l’organisation de réceptions et tant qu’on nous interdit les rassemblements, au même titre que la filière évènementielle, nos entreprises restent quasi à l’arrêt !

M&T : à l’occasion de ce triste anniversaire, vous vous êtes associés au collectif évènementiel des organisations professionnelles nationales en diffusant une vidéo qui alerte l’opinion publique sur les conséquences économiques, sociales et humaines de cette crise. Vous vous adressez à l’opinion publique ou voulez-vous alerter une fois encore les autorités ?

Cette vidéo commune au collectif concerne tout le monde. Les autorités sont bien au courant de la situation pour nous soutenir et nous aider à tenir la tête hors de l’eau, même si nous avons bu quelques tasses. Cette vidéo est très parlante et exprime parfaitement notre détresse tout en y apportant une note d’espoir sur la reprise, car j’en suis certain, reprise il y aura… Il faut juste tenir le coup et préparer le jour d’après qui se dessine.

M&T : avez-vous l’impression d’avoir été compris par les autorités tout au long de cette crise ?

Compris peut-être, entendu c’est sûr ! L’État au travers de ses divers ministères et conseillers est à l’écoute de notre profession et de ses problématiques spécifiques. Nous tenons d’ailleurs à les remercier. Tout n’est pas possible, nous en sommes conscients, mais nous continuons à alerter, comme nous le faisons régulièrement depuis début mars 2020 auprès du ministre de l’Économie et des finances, chaque mois, par un « point à date » sur notre situation financière et morale.

M&T : « La résilience, le courage, le dynamisme, la créativité » que vous mettez en avant suffisent-ils pour garder la tête hors de l’eau ? Les nouvelles aides annoncées en fin d’année dernière par le gouvernement ont-elles contribuées à maintenir en vie les entreprises ?

Le fond national de solidarité mis en place en décembre est en effet une bouée de sauvetage pour nos entreprises. Nous avons reçu un engagement de l’Etat sur la poursuite de ce fond tant que nous n’aurons pas repris notre activité dans des proportions raisonnables de chiffre d’affaires. Il faut que ces engagements soient tenus, car cela nous permet de naviguer dans les torrents mouvementés. Par contre, nous n’avons reçu ces aides qu’à partir de décembre, les fonds de solidarité précédents n’étaient pas adaptés à la taille de nos structures. Et notre profession, contrairement à d’autres, n’a pas repris entre juin et septembre par la spécificité de notre métier qui s’anticipe et par les réceptions reportées sur 2021, voire 2022 ; ce qui veut dire qu’entre mars et décembre, à part la mise en place du chômage partiel qui nous a aidés à maintenir nos compétences dans les entreprises, nous n’avons pas bénéficié d’aides directes. Il y a les PGE qui sauvent nos trésoreries, mais cela reste des prêts qu’il faudra rembourser. Nous demandions une aide spécifique sur le reste à charge pendant cette période de mars à décembre pour nos entreprises, qui investissent beaucoup dans des labos performants, dans le matériel high-tech et plus encore dans l’humain, nos équipes se sont pris un mur en béton armé. Les discussions se poursuivent cependant. Concernant la résilience, le courage, le dynamisme et la créativité, ils sont moteurs justement pour préparer cette sortie de crise. Il y a deux comportements possibles selon moi, soit on attend en mettant la tête dans le sable, soit on se remet en question, on se bat, on cherche des solutions, on invente. Nous avons choisi de nous battre, pour nous, pour nos équipes et pour nos clients qui auront besoin de se retrouver, de tisser de nouvelles relations humaines, de fêter les grands moments de la vie privée ou professionnelle.

M&T : les pronostics sont hasardeux depuis le début de la pandémie. Pour autant, entrevoyez-vous la sortie de crise ?

J’ai tout essayé, même la boule de cristal, et pourtant je n’ai pas de réponse à vous donner ! La sortie de crise dépendra des avancées de la vaccination, que l’on soit « pour ou contre », mais cela sera un sésame à la reprogrammation des rassemblements et donc pour retrouver notre cœur de métier. Elle dépendra aussi de l’énergie de nos clients et nous savons que lorsque cela sera à nouveau possible, les concerts, les évènements sportifs, les fêtes, les congrès seront autant d’évènements obligatoires pour passer de la distanciation sociale à l’harmonie sociale.

M&T : comment les membres des Traiteurs de France se préparent-ils à la reprise ? Vous parlez de « co-construction avec les producteurs et artisans locaux pour valoriser une économie circulaire basée sur les rencontres, l’entraide et la solidarité ». Une ambition salutaire, mais la reprise va d’abord dépendre de l’attitude des organisateurs d’évènements. Seront-ils au rendez-vous alors que les évènements à distance semblent devenir la règle pour beaucoup ?

Les Traiteurs de France se préparent à la reprise en se réinventant. Je rappelle que depuis le début de cette crise, il y a eu au départ les élans de solidarité avec les plateaux aux soignants, puis les réceptions de demain qui ont été repensées en mode Covid, puis les protocoles sanitaires qui ont été écrits et proposés par nous, puis nous avons réfléchi à l’économie circulaire, justement co- construite avec les producteurs et artisans locaux. Mais au delà de toutes ces actions, la plus importante est bien le lien humain que crée chaque Traiteur de France avec ses équipes, en usant de la formation, en créant des groupes de travail, en travaillant sur la protection de nos extras, car nos collaborateurs en cdi ou cdd sont les moteurs de nos entreprises et c’est grâce à leur détermination, leur fidélité, leur passion du métier que nous pouvons envisager la reprise. Cela passe aussi par l’entretien des relations avec nos clients. Nous les écoutons, nous partageons leurs difficultés et ils en ont aussi. Nous réfléchissons pour reprendre ensemble la vie normale et vivre ensemble des évènements forts et heureux !

M&T : pour preuve que les traiteurs sont prêts pour la reprise, vous voulez organiser dès que possible votre congrès national. Pourra-t-il se tenir d’ici à l’été ?

Ah oui, et cela j’y tiens absolument et tous les Traiteurs de France aussi. Ce congrès devait avoir lieu en novembre à Montpellier chez notre adhèrent Cabiron Traiteur dont son dirigeant, Bernard Cabiron, est aussi Vice président des Traiteurs de France en charge des relations institutionnelles et de la formation. Vaste sujet pendant cette période puisque qu’il est acteur à mes côtés de tous les rendez-vous avec l’État et qu’il se bat au quotidien pour le réseau sur les axes économiques et sociaux, en proposant « notre plan de relance » au Gouvernement où l’axe formation prend tout son sens. C’est en effet symbolique de prouver – par le sérieux de nos protocoles – par la volonté farouche de reprise avec des règles strictes et encadrées, que les Traiteurs de France soient dans les premiers à organiser leur « congrès ».

Pour plus d’informations : www.traiteurs-de-france.com