M&T / L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes fin février a relancé la crise que le secteur du tourisme a connu durant les deux années de pandémie. Surtout en Russie, coupée de ses marchés émetteurs suite aux sanctions imposées par les Européens et les Américains. Comment vivez-vous cette crise ? Comment vous êtes-vous organisé en interne avec votre équipe ?
NS : Pendant la pandémie nous avons tout fait pour sauver l’équipe qui est le principal capital et la principale ressource pour des développements ultérieurs. Nous avons levé des fonds, empruntés et l’année 2021 nous a montré que c’était la bonne décision. A la suite de la pandémie, nous avons été l’une des rares entreprises «vivantes» sur le marché, nous avons pris plusieurs décisions importantes et conquis de nouveaux marchés au Moyen-Orient notamment et avec des équipes sportives.
Et en février 2022, l’opération militaire spéciale a commencé. Cette « opération » nous a complètement fermé le marché incoming (nous étions devenus des parias). Je ne me plains pas, mais l’activité a encore été considérablement réduite. Dans ces conditions, j’ai de nouveau décidé de garder l’équipe et de me battre pour répondre à toutes les demandes venant de marchés encore ouverts pour nous.
M&T / Quelles conséquences « cette opération « a-t-elle entrainées pour Rusmice ? À combien se montent vos pertes depuis le début de cette guerre ?
NS : Nous avons complètement perdu le segment commercial incoming vers la Russie, cependant certains clients nous faisant confiance en tant que partenaire demandent d’autres destinations par notre intermédiaire. Par exemple, les pays de la CEI, la Communauté des Etas indépendants (laquelle regroupe autour de la Russie 9 des anciennes républiques soviétiques, ndlr). Les annulations d’événements internationaux comme la Finale de la Ligue des champions nous ont également privés de réservations. Le marché incoming et les événements sportifs internationaux représentaient précédemment à cette crise environ 70% du total du business de Rusmice. .
M&T / Avez-vous pu en compenser une partie en vous redéployant sur le marché domestique comme vous l’aviez fait durant la pandémie ? Ce marché domestique est-il très actif encore aujourd’hui ?
NS : Nous avons déjà travaillé avec des entreprises et des clients russes. Maintenant ce segment est le seul qui nous reste. Cependant, la géographie des événements a été fortement réduite en raison de la baisse du nombre de vols internationaux. Nous organisons donc des événements en Russie, dans les pays de la CEI, en Turquie et aux Émirats Arabes Unis. Nous recherchons constamment de nouveaux sites en Russie afin d’offrir à ces clients des programmes hors normes. Nous proposons par exemple des randonnées dans la vallée des geysers au Kamtchatka, des visites gastronomiques au Daghestan, l’observation des baleines à Mourmansk et bien plus encore. Nous sommes convaincus que de tels programmes intéresseront par la suite les clients internationaux. Nous attendons avec impatience une résolution rapide du conflit et la reprise d’une activité normale !
M&T Tourisme et politique ne font pas toujours bon ménage. Que vous inspire cette nouvelle croisade lancée par le Président Russe ?
NS : Nous espérons que le tourisme et les échanges culturels seront les secteurs par lesquels la coopération et les partenariats internationaux commenceront à se redresser après la fin du conflit. Et nous espérons que cette reprise commencera au plus vite.
M&T / Le conflit risquant malgré tout de durer, comment allez-vous faire face durant les prochains mois. Pourriez-vous envisager de quitter la Russie pour poursuivre votre activité ailleurs ?
NS : Je n’ai jamais voulu quitter la Russie. J’aime mon pays, ma langue, la littérature, la musique. D’un point de vue professionnel, je considère que nous avons de la chance d’avoir un pays comme la Russie, avec sa nature, sa culture, ses traditions, ses habitants incroyables. Maintenant, la géopolitique nous a coupés du commerce international, mais je suis sûre qu’après la fin du conflit, l’industrie du tourisme se redressera, car la Russie est un pays attrayant. La beauté, la nature et la culture, – donc le tourisme – sont toujours détachés de la politique. Et je veux vraiment continuer à faire mon travail – montrer les beautés de la Russie aux personnes du monde entier.
M&T / Quel message avez-vous envie de passer à vos clients et contacts en France, un marché important pour Rusmice ?
NS : Nous voulons une sortie rapide de l’isolement international et une restauration de la coopération, mais pour l’instant nous faisons de notre mieux pour traverser les moments difficiles et être prêts à rencontrer de nouveaux groupes du monde entier.
ES : Nos chers partenaires, nos chers amis ! Vivant cette situation au quotidien, nous ne vous oublions pas une seconde. Nous sommes sûrs que tout sera restauré et que nous nous retrouverons dans un nouveau monde, encore meilleur. Vous nous manquez beaucoup et nous vous attendons. Toujours avec vous de cœur et d’âme. Vos amies Russes qui n’ont rien à voir avec la politique.
M&T / Comment dit-on « Bon courage « en Russe ?
Udachi et Do svidania !
* Rusmice est représentée en France par Echapevoo.