M&T : Après la Scandinavie, vous venez de prendre la direction France de Singapore Airlines. Quelle perception avez-vous de ce marché ? En quoi est-il important pour la compagnie ?

Je suis arrivé en poste à Paris début décembre. Je n’aurai donc pas la prétention de vous dire que j’ai déjà une vision exhaustive de ce grand marché qu’est la France. J’ai cependant déjà pu rencontrer un certain nombre d’acteurs : clients corporate, tour-opérateurs, agences spécialisées, passagers premium, offices de tourisme, partenaires institutionnels… Mes différents interlocuteurs ont partagé un sentiment d’optimisme quant à l’orientation de leur business respectif. La demande de voyages vers les destinations de la zone Asie-Pacifique reste soutenue, en dépit de certaines incertitudes macro-économiques et géopolitiques. Singapore Airlines (SIA) opère dans 10 pays en Europe et la France est le troisième marché le plus important, après le Royaume-Uni et l’Allemagne. Nous sommes présents à Paris depuis près de 50 ans et le marché français présente la particularité d’être à la fois actif en outbound avec une clientèle variée (loisir, corporate, MICE, VFR…) qui permet d’avoir une activité soutenue toute l’année. Mais également en inbound avec beaucoup d’arrivées. A fortiori en 2024 avec la tenue des Jeux Olympiques à Paris qui vont générer beaucoup de trafic. Pour la clientèle d’Asie Pacifique, Paris reste l’une des capitales les plus visitées dans le monde.

M&T : Singapore Airlines opère 2 vols quotidiens entre Paris et Singapour. Comment fonctionne la ligne ? Envisagez-vous d’y réintroduire l’A380 comme vous venez de le faire vers Francfort ?

Nous avons effectivement introduit un deuxième vol quotidien début juillet 2023 portant ainsi notre offre hebdomadaire à 14 vols A/R Paris – Singapour.  Ce deuxième vol en soirée fonctionne bien et apporte davantage de flexibilité avec des horaires adaptées aux voyageurs d’affaires qui se rendent notamment à Singapour ou sont en correspondance vers l’Australie. Quant à l’A380 dont SIA a été la compagnie de lancement dans le monde et à Paris, il occupe une place particulière dans notre histoire. Nous avons opéré l’A380 près de 10 ans sur la ligne Paris – Singapour. Dès le début de la crise du Covid, nous avons annoncé que nous allions conserver nos A380 pendant encore plusieurs années. Notre flotte actuelle compte 12 appareils récents, parmi les derniers produits. Ils sont tous équipés de notre dernière cabine, lancée fin 2017, qui propose notamment les fameuses Suites, le summum du luxe en matière de transport aérien. Il n’est pas prévu à ce stade de remettre en ligne l’A380 sur Paris. Nous avons privilégié après la crise du Covid des avions plus petits (A350-900 et B777-300 ER) et moins gourmands en carburant offrant davantage de flexibilité, notamment pour le fret. Mais il n’est pas impossible que l’A380 reprenne un jour du service, selon l’évolution de la demande. Cet avion reste très populaire parmi les passagers et notre dernière cabine est très appréciée des voyageurs.

M&T : Nice pourrait-elle un jour accueillir Singapore Airlines, même de manière saisonnière ? 

SIA n’a pas pour le moment l’intention d’opérer des vols au départ des régions. Notre réseau français est actuellement bien desservi par les vols biquotidiens à CDG. Nous privilégions Paris et offrons de multiples options de vols au départ des grandes métropoles régionales. Soit de relier Paris avec des partenaires aériens comme Air France ou Lufthansa avec qui nous avons des accords interlines. Soit de privilégier des vols via nos principaux hubs européens comme Francfort ou Munich. De nombreux passagers au départ de Nice, Marseille, Lyon et Toulouse choisissent cette seconde option. Dans quelques jours, SIA va aussi ouvrir une nouvelle ligne Bruxelles – Singapour, offrant ainsi de nouvelles possibilités de voyage aux habitants du nord de la France.   

M&T : A quoi attribuez-vous les résultats records que Singapore a enregistrés en 2023. L’année 2024 s’annonce-t-elle aussi bien alors que les crises internationales se succèdent et que le prix de l’énergie reste très élevé ?  

L’exercice 2022/23 a en effet été historique pour SIA, avec de nombreux records battus : chiffre d’affaires, taux de remplissage, bénéfices, titre de  » meilleure compagnie aérienne au monde  » décerné par Skytrax… Comme la plupart des compagnies aériennes, Singapore Airlines a bénéficié de la très forte demande de voyages à partir de la mi-2022 et de la fin de la crise du Covid-19. Nous avons été en mesure d’en tirer parti après avoir conservé l’essentiel de nos ressources malgré l’impact majeur de la crise Covid, en particulier nos avions et nos équipages qui ont continué à s’entraîner pendant la crise, afin de rétablir un grand nombre de nos destinations dès la fin de la crise. L’exercice 2023/24, qui s’est achevé le 31 mars dernier et dont les résultats seront publiés à la mi-mai, devrait également être bien orienté, la demande étant supérieure à celle de notre dernier exercice sur les 9 premiers mois de l’année. 

M&T : Avez-vous récupéré la totalité des escales que vous opériez avant la crise ? Certaines zones sont-elles encore à la peine ? 

A ce jour, Singapore Airlines, SIA Cargo et Scoot, notre filiale low-cost long-courrier opèrent 125 destinations dans 37 pays. Le groupe SIA a redéployé plus de 90 % de ses capacités par rapport à 2019 et nous devrions atteindre les 100% d’ici la fin 2024. L’Asie du nord, notamment la Chine, a été la dernière zone à sortir de la crise mais on peut désormais parler d’un retour à la normale.

M&T : Combien la flotte qui s’est enrichie en 2023 de 2 Boeing 787-10 et d’un Airbus A 350-900 compte-t-elle d’appareils ? Avez-vous d’autres gros porteurs en attente ?

Le groupe SIA exploite aujourd’hui 201 avions d’une moyenne d’âge de 6.6 années pour la flotte passagers, dont 75% d’avions de nouvelle génération moins gourmand en carburant et proposant des taux d’émissions plus faibles.  Singapore Airlines est à ce jour le premier opérateur mondial d’Airbus A350. Nous attendons la livraison de 92 nouveaux appareils au cours des prochaines années, dont le nouvel avion-cargo A350F dont SIA sera la compagnie de lancement. Parmi ces commandes fermes figurent également 31 B777-9, le nouveau gros porteur de Boeing, en cours de certification.

M&T : Que va changer votre montée au capital d’Air India dans la perspective de la fusion de cette dernière avec la compagnie Vistara ?

L’Inde est clairement le grand marché d’avenir, et le groupe SIA y est présent depuis longtemps, avec de nombreux vols entre les principales métropoles indiennes et Singapour où une partie de la population est d’origine indienne.  En 2015, SIA a accrue sa présence sur le sous-continent, avec la création de Vistara, une compagnie full services, en coopération avec le groupe Tata. En 2022, Air India a été privatisée et Tata en a pris le contrôle. Fin 2022, SIA et Tata ont annoncé un accord pour fusionner Vistara et Air India et former une nouvelle Air India, une grande compagnie dans laquelle SIA détiendra 25%.  Les experts s’accordent sur le fait que le marché indien devrait tripler au cours de la prochaine décennie. Le potentiel de croissance est considérable et SIA a décidé de se renforcer sur ce marché d’avenir.

M&T : L’avion est dans le collimateur de certaines associations de défense de l’environnement. Redoutez-vous que ce mouvent prenne de l’ampleur au niveau international ? Le carburant d’aviation durable (SAF) que vous privilégiez est-il une réponse ?

Comme toutes les activités industrielles, le transport aérien a un impact sur l’environnement.  Nous nous sommes fixés pour objectif d’atteindre la neutralité carbone dans nos opérations d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, le carburant aviation durable (SAF) est un levier de décarbonisation clé pour le groupe SIA et les experts estiment que 65% de l’effort proviendra de l’utilisation du SAF. En septembre 2023, nous avons conclu un projet pilote SAF de 20 mois avec nos principales parties prenantes à Singapour, notamment CAAS et Temasek, afin de réaffirmer l’état de préparation opérationnelle de Singapour pour un écosystème d’approvisionnement SAF sécurisé à long terme et de jeter les bases d’une voie tangible vers une plus grande adoption du SAF à Singapour. Singapore Airlines continuera de collaborer étroitement avec ces partenaires afin de promouvoir et d’accélérer l’adoption des SAF à Singapour. En novembre 2023, SIA a annoncé son engagement à remplacer 5 % de sa consommation totale de carburant par des SAF d’ici 2030. De nombreuses compagnies aériennes dans le monde se préparent à une plus grande adoption des SAF, mais la question clé est la suivante : y aura-t-il suffisamment de SAF produits pour atteindre les objectifs de l’industrie ? À court terme, nous avons pris d’autres mesures concrètes en faveur du développement durable, comme l’élimination des plastiques à usage unique à bord, la suppression du papier et son remplacement par du contenu digital, et l’incitation des passagers à compenser leurs émissions de carbone. Les montants collectés sont réinvestis dans des projets à long terme dans les pays où SIA opère : préservation de la forêt primaire en Indonésie, incitation à la cuisine au gaz au Népal, installation de panneaux solaires en Inde…

 M&T : Quelle est votre stratégie sur le segment Mice ? Lui réservez-vous des offres spéciales ?

Le marché du MICE demeure une priorité pour SIA car Singapour continue d’être une destination leader dans le monde sur le marché des conventions et meetings, ainsi que d’autres destinations du réseau SIA en Asie du Sud- Est pour la partie incentive. Notre offre MICE repose avant tout sur la flexibilité de notre proposition commerciale, en proposant des tarifs spécifiques MICE au départ de toutes les villes du réseau SIA pour l’agence organisatrice, ainsi que des « soft benefits » dans la préparation et l’accompagnement de l’évènement. L’offre de vols multi fréquences au départ de Paris, et en correspondance au-delà de Singapour permet également de pouvoir répondre aux demandes MICE, quelque soit le volume de clients à transport