M&T : vous avez participé le 14 décembre à Paris à la manifestation organisée sur l’esplanade des Invalides par les acteurs de la filière événementielle aux côtés des hôteliers et restaurateurs. Quel bilan faites-vous de cette mobilisation ?
Compte tenu des conditions, une manifestation pluvieuse, programmée un lundi et organisée en moins d’une semaine, on peut considérer que c’est une belle réussite. Côté événementiel, entrepreneurs, salariés et intermittents réunis autour d’une cause commune et parés de leurs casquettes et ballons rouges très visibles, nous représentions près de la moitié des milliers de présents !
M&T : on a beaucoup entendu à cette occasion les restaurateurs et hôteliers au micro des radios et télévisions, très peu les représentants de l’événementiel. Le secteur a apparemment du mal à se faire entendre ?
Sur la scène et en termes d’interventions, ils avaient plus d’espace que nous car représentaient beaucoup d’associations ou de groupements (brasseurs, discothèques, hôtels, restaurants, restaurants étoilés…). Dans la réalité nous étions tout aussi nombreux en termes de manifestants. De plus, le terme « événementiel » est apparu assez régulièrement dans de nombreux grands médias. Une certitude toutefois, l’événement était organisé par nos confrères de l’hôtellerie-restauration.
M&T : l’événementiel est toujours à l’arrêt, 9 mois après le premier confinement. Quelle est la situation pour les entreprises ? A combien se chiffrent les pertes ?
La situation des entreprises de l’événementiel et des salariés est très gravement menacée par quasiment 10 mois continus d’interruption d’activité liée à des mesures de fermeture administrative et d’instabilité réglementaire chronique les privant de toute visibilité. La fermeture brutale de nos activités a conduit à une chute vertigineuse de nos chiffres d’affaires estimée à plus de 80%. L’année 2020 a été catastrophique et 2021 s’annonce sous les mêmes auspices faute de perspectives claires ou crédibles. 55% des dirigeants d’entreprises de notre secteur que nous avons interrogés déclarent que le pronostic vital de leur entreprise est engagé d’ici au mois d’avril. Autant dire que c’est demain !
M&T : les aides du gouvernement ont été récemment renforcées. Sont-elles de nature à maintenir à flot les entreprises ou doit-on redouter des faillites dans un proche avenir ?
Les aides ont été renforcées mais elles sont encore largement insuffisantes. En fait, nous nous rendons compte que la communication du gouvernement est très puissante… et qu’elle peut donner l’impression que les acteurs privés de l’événementiel sont intégralement indemnisés de leurs pertes. C’est très loin d’être le cas puisqu’après application des aides, elles ne compensent que 50% des charges d’exploitation des entrepreneurs, ce qui oblige à puiser dans les trésoreries. Dernièrement, le fonds de solidarité a été étendu et augmenté mais il n’est accessible qu’à une certaine partie des entreprises, environ 30% d’entre elles, mais il ne l’est pas pour les prestataires de services, de fait empêchés de travailler puisque leur débouché – les événements – ont été interdits par le gouvernement. Notre filière fera face à des licenciements – certains ont déjà commencé et à des faillites. Le gouvernement n’a pas tenu compte de notre filière, de son effet de levier pour le tourisme et pour l’activité des filières servies par ces grands événements.
M&T : aucune date n’est encore avancée pour une réouverture des lieux événementiels. Avez-vous des assurances des autorités pour une reprise de l’activité début 2021 ?
Non, c’est toujours le grand flou pour le grand oublié des annonces gouvernementales ! Cette date serait pourtant une vraie perspective, une vraie lueur d’espoir pour nous tous, professionnels de l’événementiel, organisateurs, lieux et prestataires. Cette gestion, certes très prudente de l’épidémie, montre que le gouvernement n’a pas de vision pour l’une des grandes composantes de l’activité touristique française, fortement pourvoyeuse de retombées économiques et d’emplois, à savoir les rencontres professionnelles, qui fait vivre toute l’année des établissements hôteliers de la Côte d’Azur, des grandes métropoles et qui génère à Paris, une nuitée sur deux ! Il faut que le gouvernement cesse de nous considérer comme une activité d’appoint alors qu’elle est en réalité profondément essentielle aux filières économiques, aux entreprises, aux territoires. Ainsi le décalage à mars 2021 d’un grand salon international professionnel qui devait se tenir en janvier prochain est lui-même en suspens…. Quand on sait les retombées touristiques qui ont disparu avec l’annulation du salon de l’Aéronautique au Bourget, on se demande si le gouvernement a conscience de la gravité de la situation, pour notre filière, pour le secteur de l’aéronautique mais aussi pour tous les acteurs du tourisme qu’un tel salon ne fera pas vivre…à cause de son annulation, faute de visibilité. A quand une politique avec des scenarii qui permettrait de se préparer à minima en amont ? Il faut dire que pour le salon de l’Aéronautique, son montage débute dès le mois de janvier sur le parc des expositions….
M&T : plus les semaines passent et moins on perçoit ce que sera l’événementiel dans l’après-Covid. Comment l’appréhendez-vous ?
Avec UNIMEV, nous avons d’ores et déjà anticipé l’effet accélérateur de la crise sur les changements de modèles économiques et notamment de modèles événementiels. A travers la publication du Manifeste, nous avons voulu expliquer comment les événements pouvaient être des lieux d’innovation et moteurs de transformation des comportements des entreprises, des consommateurs, de la société en général. Nous savons que le numérique aura toute sa place pour favoriser la transmission des contenus et l’acquisition de nouvelles connaissances. Quant aux partages de bonnes pratiques avec ses confrères, ses pairs ou comme outil d’expérimentation, nous savons que la rencontre en présentiel restera un moment fort, utile et efficace. Cette rencontre demandera de la part de nos acteurs, des évolutions dans les formats… pour qu’ils soient plus participatifs et moins « top down ». Et qu’ils soient encore plus qualitatifs…. Organisés, permettant un élargissement des audiences, à travers l’hybridation…
M&T : a quel prix la filière peut-elle se remettre de cette année noire ?
Nous verrons bien… selon les considérations de l’Etat. Mais les défenseurs de la filière que sont UNIMEV et l’ensemble du collectif événementiel – Coésio, Crealians, France Congrès et Evénements, La Clé, Lévénement, Synpase, Les Traiteurs de France – sont totalement engagés conjointement dans une lutte pour la reconnaissance. Une lutte déjà longue et énergivore mais une lutte que nous ne lâcherons pas afin de sauver le « soldat » événementiel !
Pour plus d’informations : www.unimev.fr